lundi 12 août 2013

Phnom Penh, l'ancien Paris de l'Est...

À l'occasion de ce cinquantième article, je vous souhaite la bienvenue au... Cambodge, le dernier pays que je visiterai durant ce voyage extraordinaire qui continue à influencer ma vie à bien des égards depuis mon retour en France.

L'arrivée à Phnom Penh et les Killing Fields...

Je vous avais laissé, à la fin de mon dernier article, à la date du 07/05/2013, alors que Steffen, Faraz et moi étions à pieds, sans sacs à dos et sans papiers, sur une route, entre deux barrières représentant les frontières du Laos et du Cambodge....

Reprenons donc ce récit afin d'en terminer avec le suspens...! Après quelques foulées, nous voilà enfin arrivés au Cambodge, toujours sans nos sacs et sans nos passeports...

Là seule chose que nous avons à faire, c'est attendre et, hélas, faire confiance à la corruption... Nous discutons, prenons un ticket à destination de Phnom Penh et, enfin, remontons dans notre bus. Nous y retrouvons nos sacs, et les hommes corrompus nous rendent notre identité. C'est bien la première fois que mon visa est tamponné sans que je ne passe devant un douanier! Pour 10 dollars US de plus chacun, Steffen, Faraz et moi sommes maintenant tranquilles...

Après un long trajet en bus, nous arrivons enfin à Phnom Penh, capitale autrefois appelée le "Paris de l'Est", à ce jour en proie aux inégalités suite à la guerre Vietnamo-Américaine ayant débordé sur ce pays, mais aussi et surtout suite au génocide récent qui me donne encore la chaire de poule!

D'un côté, les quartiers riches, les grosses voitures, les villas... et de l'autre, les personnes de tout âge dormant à même le sol et mendiants, les poubelles partout égorgées sur le sol, la puanteur des déchets, l'inexistence du code de la route...

Ne soyez surtout pas choqués par la description que je fais de cette ville, car tout ceci n'est que le reflet de ce que j'ai ressenti à mon arrivée. Dans quelques jours, et comme quoi nous nous habituons à tout, Phnom Penh deviendra pour moi la capitale la plus belle qu'il m'est été de visiter en Asie...

"Le Cambodge, exceptés les Temples d'Angkor, ne se visite pas, mais il se vit..."

À la sortie du bus, nous marchons dans les rues après nous être dépêtrés, aidés par la police qui n'hésite pas à donner quelques coups de matraques discrets, des dizaines de chauffeurs de touk-touk prêts à accueillir les étrangers.

Fatigués par cette journée, c'est proche de la "Rue du Général De Gaulle" que nous déposons nos affaires. Tout comme au Laos, les français ont laissé leurs traces de 1863 à 1953... Steffen, en voie de guérison, reste à l'Hostel tandis que je sors avec Faraz afin de manger dans la rue.

Note à moi même n°1

"Flavien, quand tu reliras cela, repense à ce coin de rue, à cette vielle dame, à la barrière de la langue, aux charades, aux poissons, aux crevettes et aux bœufs ayant des cornes de diable..."

Si vous me demandez un jour de vous raconter cette histoire et les deux qui suivront dans cet article, je le ferai avec plaisir, mais celles-ci ne donnent rien par écrit... et j'aime malgré tout garder un peu de mystère!

Le 08/05/2013, nous nous réveillons assez tard et décidons de changer d'Hostel. Nous atteignons rapidement celui dans lequel nous resterons pour un moment : le "Royal Guesthouse". Une chambre assez immense, deux lit double de type King Size, une belle salle de bain, et le tout pour trois euros chacun, que demander de plus?

"Que demander de plus Flavien? Je ne sais pas, en y repensant : une clim qui fonctionne? Pour information, nous avons changé trois fois de chambre, mais le personnel était très agréable :-)"

Nous passons le reste de la journée dans la rue, marchons devant le "Royal Palace", allons au "Central Market"... puis terminons notre soirée au "Goethe Institut", un institut allemand où nous assistons à un show de Street Dance après avoir regardé "Red Cross", un documentaire sur la Corée du Nord...

Note à Roxane, Jérôme, Matteo, Mila et Eva

"Si vous vous sentez assez forts en anglais, achetez les Lonely Planet sur place. Oui, il est vrai que les bouquins ne seront que de banales photocopies des originaux, mais ils ne vous coûteront presque rien, et ils sont assez bien reproduit..."

Le 09/05/2013, Steffen, Faraz et moi effectuons la plus bouleversante des visites que j'ai faite durant mon périple : les "Killing Fields" ou "Champs de la Mort", situés à la périphérie de Phnom Penh.

Encore aujourd'hui, en écrivant, je pleure en repensant au génocide s'étant déroulé là-bas si récemment. Après la Seconde Guerre Mondiale et l'holocauste, qui aurait pensé que de telles horreurs pourraient recommencer si rapidement? Hélas...

Ted, notre chauffeur de touk-touk préféré, nous dépose devant l'un des nombreux champs de la mort que compte le Cambodge. Nous y entrons, prenons les écouteurs qui nous sont distribués et commençons la visite audio-guidée d'une descente aux enfers.

Par un fait exprès, le temps se couvre et le vent se lève pour donner à ce lieu une image encore plus tragique qu'elle ne l'est déjà... Après quelques mètres, le ciel est gris, la pluie tombe à torrent, et le sol devient boueux. Les yeux rouges, nous continuons à marcher en silence, tout en écoutant les atrocités dont l'humanité est capable... :

"Les crimes du régime Khmer Rouge sont l'ensemble des meurtres, massacres, exécutions et persécutions ethniques, religieuses ou politiques appliquées par le mouvement communiste désigné sous le nom de "Khmers Rouges", qui contrôla le Cambodge de 1975 à 1979. Durant quatre ans, les Khmers Rouges, dont le chef principal était Pol Pot, dirigèrent un régime connu sous le nom officiel de "Kampuchéa Démocratique", qui soumit la population à une dictature d'une rare violence et dont la politique causa des millions de morts...

Le nouveau régime en place ciblait particulièrement les personnes portant des lunettes, signe qu'ils savaient lire et que leur bagage intellectuel était trop lourd pour que l'on puisse en faire des "Hommes Nouveaux". Contrairement aux communistes russes ou vietnamiens, les Khmers Rouges ne croyaient pas à la rééducation. L'homme Nouveau ne pouvait naître qu'en exterminant toute trace d'un passé couvert de honte. Sans aucune différence ni pitié, hommes, femmes, enfants et nouveau-nés furent déportés et mis à mort.

Sur le quai de débarquement, les femmes arrivaient le plus souvent dénudées, signe qu'elles avaient été violées dans les camions qui les avaient transporté, ou que l'on avait voulu leur faire subir une dernière humiliation.

Les Khmers Rouges, typiquement de jeunes illettrés facilement fanatisés, jetaient leurs victimes dans des fosses communes après les avoir grossièrement assassinées ou massacrées à coup de marteaux, de pioches, de barres de fer et d'instruments aléatoires. En effet, les munitions étant rares et chères, le régime ne voulait pas dépenser de l'argent pour anéantir sa propre population...

Les bourreaux, en pleine nuit, rassemblaient les prisonniers sur les champs de la mort et commençaient le massacre, accompagné par des chants révolutionnaires crachés par des enceintes placées ça et là afin de masquer les cris...

Pour les bébés, le mode d'exécution était "simple" : on les prenait par les pieds, puis on les fracassait contre un arbre, appelé aujourd'hui l'Arbre de la Mort.

Enfin, afin d'éviter que la puanteur des corps en décomposition ne se propage et n'alerte, les Khmers Rouges jetaient du DDT et de la terre sur les masses de corps qui remuaient encore..."

À ce jour, les fosses ont été vidées, et des urnes mises en place. L'une d'elle contient des fragments d'os et de dents, tandis que l'autre contient des fragments de vêtements recueillis sur les squelettes.

Devant cette seconde urne, je ne suis resté que cinq secondes. De un, cela fait trop mal de faire fasse à l'histoire et, de deux, c'est la troisième est la plus intense fois de ma vie que j'ai senti la mort, et cela même 35 ans après les faits...

Rien n'étant jamais fini, l'horreur continue encore aujourd'hui. Sous l'effet des pluies et de la mousson, la terre des charniers bouge, et des fragments remontent régulièrement à la surface. Vous souvenez-vous que je vous ai dit qu'il pleut aujourd'hui?

"L'histoire ne punira hélas pas Pol Pot, qui est mort en exil. Ieng Sary, le numéro trois du régime, vient de mourir avant d'avoir été jugé. Aujourd'hui, il ne reste que deux accusés octogénaires : Nuon Chea et Khieu Samphan.

Les procès se déroulent à un rythme de tortue, le gouvernement préférant manifestement enterrer le passé, et pour cause! Le premier ministre Hun Sen, le président du Sénat Chea Sim, le ministre des Finances Keat Chhon, et beaucoup d'autres, sont tous d'anciens dirigeants Khmers Rouges..."

Dans le sentier, alors que nous n'y prêtions pas attention au début, nous essayons à présent d'éviter de marcher sur les éclats d'os et les filaments de coton que le sol recrache encore et encore... Il faut croire que le passé, bien que le gouvernement fasse pression, ne souhaite pas être enterré si aisément...

La "visite" se termine par un recueillement devant un "Stupa" : un mausolée en forme de structure bouddhique où reposent des centaines de squelettes. À la mémoire de tous les disparus, des centaines de bracelets sont accrochés autour des fosses communes et sur l'Arbre de la Mort...

"Tout le monde, au Cambodge, a été bourreau ou victime, fils de bourreau ou fils de victime..."

Au final, sur une population de 8 millions d'habitants que comptait le Cambodge, les pires estimations rapportent que 3 millions de personnes ont été massacrés durant le génocide...

"Paix à leurs âmes"

À la sortie, c'est les yeux rouges que nous remontons dans le touk-touk. Étrangement, juste à côté des"Killing Fields" se trouve un champ de tir! Des rabatteurs nous proposent, ce que nous refusons de suite, de venir tirer à balles réelles avec des pistolets, des revolvers, des mitraillettes et même des bazookas! Avec le sourire, ceux-ci nous proposent même d'acheter des animaux afin de leur tirer dessus! Choc de cultures, choc de consciences, bref, choc tout court! La WWF ferait bien de venir faire un tour ici...

Ted, notre chauffeur, nous offre un tour de folie dans les rues de Phnom Penh aux heures de pointe. C'est la débauche, les rues sont pleines, les bennes des camions sont remplies d'ouvriers et d'ouvrières, les scooters, montés par deux, trois quatre ou même cinq passagers, sortent de tous les côtés, les Klaxons fusent...

Le soir venu, nous sortons au "Laughting Fatman", littéralement "Le Gros Monsieur qui Rigole", un bar sympathique où nous buvons un coup pour nous remettre de cette journée particulièrement intense en émotions. Nous nous rendons par la suite au "Pantoun" une boîte de nuit dont l'intérieur contraste totalement avec la pauvreté de l'extérieur.

Cette journée est notre troisième au Cambodge, et je dois dire que mon cerveau, mes yeux et mon cœur ne savent plus ou donner de la tête. Que faire dans un pays où les deux extrêmes sont si proches. Que faire lorsqu'il n'y a pas de juste milieu? Étais-je auparavant naïf, ou hypocrite? Me mettais-je des œillères? Je ne pense pas, car je savais à quoi m'attendre mais, comme toute chose, vivre un moment est bien différent que de le voir à la télévision...

Ce soir, quelque chose d'autre m'interpelle! Alors qu'au Laos, sous peine d'aller en prison, personne (y compris les voyageurs), n'a le droit de coucher avec son ou sa partenaire sans être marié, je trouve le Cambodge d'une rare ouverture d'esprit quant à l'identité, la couleur de peau, l'orientation sexuelle et la religion des gens...

Le démantèlement du trio et le retour au duo de Bangkok...

Le 10/05/2013, je me lève tard et sors seul dans le but tout simple de me balader dans la rue et de regarder ce qu'il se passe dans cette capitale...

Le soir venu, Steffen part à la rencontre d'un local rencontré la veille : Anyka, tandis que je reste avec Faraz et l'un de ses amis de longue date : Andrea, arrivé au Cambodge la veille au soir.

Après être resorti au "Laughting Fatman", nous nous rendons dans un "club" où je rencontre Clayton, un Australien de quelques centimètres de plus que moi travaillant à Siem Reap (ville située juste à côté des "Temples d'Angkor"), ainsi que des locaux. Tandis que je passe une très agréable soirée avec ce petit groupe, Faraz et Andrea rentrent à l'Hostel... Quelques heures plus tard, mes potes de soirée me raccompagnent en touk-touk. Merci les gars!

Note à moi même numéro 2

"Flavien, quand tu reliras cela, repenses à la ruelle sombre et très glauque d'hier soir, à un homme nu extrêmement poilu t'ouvrant ta propre co-chambre, au squattage du lit de Steffen, à une femme posant une question très étrange à plusieurs reprises, et au prêt de 50 dollars à deux "amis"..."

Note à vous

"C'est aujourd'hui que j'ai changé mon billet d'avion... En effet, je devais arriver le 15/05/2013 au matin à Paris, mais le bonus temps passer au Laos, l'envie de continuer à découvrir des choses extraordinaires, la peur du retour et la persuasion de Steffen et ses yeux verts aux allures de Chat Poté m'ont convaincu de continuer cette aventure... Je partirai le 31/05/2013, passerai une nuit et une journée à Kuala Lumpur, en Malaisie, avec Millad, puis j'arriverai en France le 02/06/2013..."

Le 11/05/2013, mon organisme me lâche lamentablement... Je reste scotché au lit toute la journée et je dors. Le soir venu, je sors avec les garçons. Le coeur déchiré, je craque devant deux enfants. Moi qui étais prêt à dépenser 6 dollars US pour rentrer dans une boîte, j'abandonne l'idée et leur offre un repas chacun dans une petite roulotte. Avec un hamburger et un coca chacun, j'ai ce soir le plaisir d'avoir donné le sourire et rempli l'estomac de deux enfants.

Était-ce bien? Je n'en suis pas certain, car donner n'est pas la solution. Ainsi je les incite à continuer, mais encore une fois, quelle est la solution?... La cuisinière, surprise qu'un français fasse un tel geste, me redonne cependant du baume au cœur en entamant la discussion.

Je ne me rends pas dans la boîte et, ne me sentant pas très bien, rentre seul à l'Hostel après avoir partagé quelques verres avec le groupe dans un autre bar...

Note à moi même numéro 3

"Flavien, quand tu reliras cela, repense à l'étrange réveil en plein milieu de la nuit, à ta vision floue, au même homme nu extrêmement poilu sortant de la salle de bain, à une autre femme posant la même question très étrange à plusieurs reprises, à la lumière allumée et au sac à dos sur le lit..."

Le 12 et le 13/05/2013 se ressemblent étrangement. Cependant, le 12 marque le retour à la vie de mon appareil photo, et le 13 le départ de Faraz et Andrea vers le sud du Cambodge... Vous l'aurez peut-être compris, mais les deux dernières "Note à moi même" expliquent le fait que Steffen et moi ne suivions pas les garçons dans le sud...

Le démantèlement du duo et le départ vers Kampot en mode uno...

Le 14/05/2013, je me rends au "Nationnal Museum" de Phnom Penh et admire les nombreuses sculptures qu'il contient. Alors que je comptais aussi visiter la "Prison S-21", maintenant devenue un musée, je me ravise en repensant aux horreurs des "Killing Fields". Mes yeux en ont déjà assez vus...

"La "Prison S-21" est la prison où furent internés et torturés quelques 10 000 Cambodgiens entre 1975 et 1978. Les photos disent tout : les cellules crasseuses où gisent des corps ensanglantés, les murs tapissés de visages de disparus qui vous regardent bravement dans les yeux... et celle d'une jeune mère vue de profil tenant son nouveau-né sur son sein...

L'ancien directeur de cette prison, dit Duch, est le seul Khmer Rouge à purger une peine de prison après avoir été condamné par le Tribunal International, censé juger ces crimes de guerre."

Le soir venu, je passe mon temps avec Steffen, dans un petit bar tranquille d'une rue bien sombre dans laquelle, plus que jamais, la drogue et les prostituées nous sont proposée à profusion...

"Mari-Juana, Cocaïne, Opium, Lady Boom-Boom?"

Le 15/05/2013, la journée passe une nouvelle fois au cours des ballades et des discussions de notre duo. Steffen souhaitant rester à Phnom Penh, et moi me rendre quelques jours dans le sud, c'est d'un commun accord que nos chemins se séparent à la fin de la soirée... pour seulement cinq jours!

"Et oui, il n'est guère aisé ni pur l'un, ni pour l'autre, de se séparer d'un compagnon de voyage rencontré depuis déjà plus d'un mois..."

Le 16/05/2013, je refais mon sac à dos, descends celui de Steffen à l'accueil, prends un touk-touk jusqu'à la gare de bus et quitte Phnom Penh en direction de Kampot, au Sud du Cambodge...

Mesdames et Messieurs, sachez que je reviendrai à Phnom Penh le 20/05/2013, et que ce n'est pas un duo qui se reformera mais, pour notre plus grand plaisir et des moments inoubliables en cette fin de tour du monde... un quatuor!

5 commentaires:

  1. suis émotionnée par tes récits......
    BisOuss d'amour Cha

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  2. Ambiance gloc, très émouvant, mais bel article, probablement le mieux écrit. L'écriture à distance de ces moments de vie te permets de continuer ton voyage, et à nous d'en profiter aussi.
    On attend la suite avec impatience pour savoir qui est ce gros poilu...
    On t'embrasse.

    Les Kolamabarre

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  3. Histoire vraie mais terrible racontée ici , ça relativise les soucis rencontrés en rentrant au pays .
    Bon courage pour écrire la fin de ton périple .
    Bises .
    MAMIE .

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  4. Très bel article Fanou.
    Malheureusement la bêtise humaine est sans limite...
    Merci pour les bons tuyaux, notre départ est pour dimanche, les sacs sont presque bouclés !
    Gros bisous, on t'aime.

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  5. Quel beau récit! Au travers duquel j'ai pu partager ton effroi devant de telles horreurs!
    J'attends moi aussi la suite de cette belle histoire qu'est celle de ton beau voyage!!!!
    Bisous!!

    Ta vieille tante qui t'aime!!!!

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